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(Dés)errance d'une patiente impatiente
17 décembre 2017

Analyse comparée d'un cas pratique d’auto-rééducation ou "comment le pain au chocolat s’est transformé en dragibus"

Mon moral va bien dans 80% des instants. J'use de mon attention inattentive pour focaliser sur le côté drôle et non sur le côté dramatique.

Aujourd'hui, j’ai une autonomie de 3/10 (= je suis chez moi et j’ai besoin de coups de pouce humains ponctuels mais quasi quotidiens)

Le début de la semaine prochaine va être consacrée à la réponse médicale, donc le week-end est dédié à rendre possible l’hospitalisation et me faire plaisir.

Et ça se passe aussi bien que possible. J’ai 1000 idées d’articles, une 10 aine en préparation, mais il me faudra 100 ans pour tous les poster.

Donc je fais des choix les plus pertinents possibles, sans que l’activité blog ne prenne plus de 20% de mon temps (je m’éduque), c'est une activité fatigante mais à haute valeur ajoutée.

Parfois, je me décris (à l’état actuel) comme une enfant -> j’ai du mal à ne pas faire ce qui me fait le plus plaisir (le blog, fumer, papoter, aller dehors, manger des bonbons) mais je me rééduque afin de rendre ces moments-là possibles sans que ça devienne plus glauque que ça ne l’est déjà (donc les considérer comme « récompenses » après des acti aussi pénibles que « faire à manger », « prendre sa douche », « ranger un minimum »,...

Chères lectrices (et lecteurs), je vous propose un plongeon dans ma rééducation (la version courte est le tableau ci-dessous, la version longue pour celleux qui veulent s'accrocher continue sous le tableau).

Alors, j’ai choisi une tâche complexe qui s’est répétée à deux reprises afin de voir les ajustements que je fais au fur et à mesure et me permettre de trouver de nouveaux ajustements pour des tâches similaires. Il s’agit « d’aller, seule, au laboratoire pour faire une analyse de sang ». Si vous avez des idées de stratégies de rééducation innovantes, je suis ouverte aux autres propositions d'ajustement. J'expérimente jour après jour.

Petit tableau comparatif

 

J+2

J+23

Propositions d’ajustements

Consigne : aller au laboratoire à jeun, avec une prescription mais sans carte vitale (elle était en cours d’acheminement)

 

Consigne : aller au laboratoire avec une prescription avec carte vitale

 

 Affiner la consigne autant que possible

-       Très difficile

-       Epuisant

-       Contente d’être « en liberté »

 

-       Difficile

-       Fatigant

-       Contente d’être « en liberté »

 

 

-       Que ça redevienne facile, reposant voire amusant

 

Rendre possible la tâche : la veille, j’avais noté au réveil, m’habiller, ne pas petit déjeuner (très difficile parce que contradictoire avec la faim), prendre mon sac sans oublier mes fiches et y aller.

 

1/ Rendre possible la tâche : la veille en discutant avec une amie qui m’a aidée à faire un programme souple et cohérent, en me permettant d’ajouter une tâche « course » + indécision s’il fallait être à jeun ou non (j’avais plusieurs avis).

 

Conserver cette stratégie avec le plus d’infos pratiques possibles.

 

 

Combien de temps du réveil à la tâche accomplie : 2h30 + 2h 30 pour le retour

Combien de temps du réveil à la tâche accomplie : 4h + 2h pour le retour

 

Essayer de réduire le temps de préparation avant de sortir.

-> Avoir le réflexe de regarder ma programmation dès le réveil.

Prendre le bus = difficile

Prendre le bus = facile à l’aller, difficile au retour

Trouver un moyen d’afficher l’horaire du seul bus que je prends ou le parcœuriser.

 

Petites perles :

J’ai LE livre que je voulais offrir à ma filleule.

J’ai réussi tant bien que mal à me faire aider.

J’ai laissé libre court à mes pas et mes idées pendant 2h

Petites perles :

Les dragibus

J’ai un pyjama potable pour l’hôpital.

Je suis beaucoup plus observatrice et ai souri quand un petit garçon chantait l’alphabet avec sa maman.

J’ai rencontré une voisine

J’ai moins tangué qu’à J+2

Une pause sympa entre la tâche prise de sang et le retour.

Mieux utiliser ma capacité d’adaptation pour limiter l’épuisement.

A améliorer :

- m’être sentie démunie

- Tanguer très fort

Echec : m’être fait racketter

-> sérieusement ! Jamais de ma vie, je n’achète un pyjama à ce prix là :p et encore moins pour aller à l’hôpital

Trouver des stratégies pour ne pas me faire racketter et mieux contrôler mes dépenses.

 

Récit résumé de J+ 2

Ce jour là, il pleuvait. Ça a été un coup dur quand je m’en suis rendue compte étant donné que je voulais y aller à pieds. Mais cet élément m’ajoute un choix à poser et après réflexion, je prends le bus. A l’arrêt, quand je suis distraite par autre chose, j’essaie de me rappeler que j’attends qu’il arrive. Une fois que je suis montée, en voyant le chauffeur, ça me rappelle qu’il faut payer. Donc, avec mon équilibre instable, j’ai mis 5 minutes à trouver le portefeuille, les pièces, payer, prendre le ticket, dire merci et trouver une place en m’accrochant aux branches. A peine assise, je dois me concentrer sur mon arrêt. Je réussis, je sors un peu de travers mais j’ai le sourire. Là, je me rappelle « labo » et je visualise le chemin. Normalement, c’est 5 minutes à pieds, ça m’en a demandé 10. Pas que je marche spécialement lentement, mais il y a tellement de stimuli, que je dois composer sans cesse, éviter de rentrer dans les gens, et puis quand même profiter de ma liberté en regardant un peu ce qui se passe autour de moi (parfois c’est un choix, souvent ça s’impose à moi). Donc je me suis un peu perdue. Mais finalement à un moment donné, je me rappelle de l’étape suivante et je retombe sur mes pattes.

J’arrive au labo, je passe les bonnes portes, trop contente de l’efficacité de ma programmation.

Là, ça se complique un peu, je ne sais pas trop si je dois m’asseoir ou m’adresser aux secrétaires. Donc j’observe minutieusement. Elles sont occupées avec d’autres personnes, donc je m’assois. J’ai soif, je bois. Je me rends compte que ma veste est trempée (ben oui, il pleuvait), j’ai quelques regards interrogateurs qui me rappellent que j’ai un drôle d’air. Je respire par le ventre et sourit. A un moment, une dame m’appelle. Je me lève (un peu comme un robot) et je m’assois face à elle. Je lui donne fièrement ma prescription. Et là, elle me demande ma carte vitale. Je tente de lui expliquer que j’ai un papier provisoire. Et j’agis en la cherchant dans mon classeur de survie. Mes gestes sont pas super précis. Elle commence à m’expliquer les démarches auprès de ma mutuelle pour me faire rembourser. Là, je bugue, je vois qu’elle voit que je bugue. Je lui dis que j’ai des problèmes cognitifs (comme si elle avait pas remarqué :D) Et là, elle est gentille mais elle parle trop vite. Je commence à avoir mon cœur qui se pince parce que je me rends compte que la personne en face de moi voit mais ne peut pas trop savoir si je comprends quelque chose ou si je suis vraiment encore plus à l’ouest. Tout s’enchaine trop vite, je passe à peine dans la salle d’à côté que je suis avec l’infirmier qui doit faire la prise de sang. Les larmes coulaient toutes seules, je lui explique en 2 mots pourquoi je pleure. Il est très sympa et pressé. Il me dit que je peux prendre un café avant de repartir.

Je le remercie, je sors et là, je ne sais pas où se trouve la machine à café, donc je fais au plus simple et je prends l’escalier pour ressortir. Je me retrouve dehors, mais j’arrête d’avancer parce que je ne savais plus très bien par où commencer la suite. Alors je décide, que je peux pleurer un peu, après je décide que je peux fumer une cigarette. Puis je réfléchis calmement à ce qui pourrait m’aider. Finalement, je décide de remonter, voir la première secrétaire et lui demander de m’aider à programmer mon retour.

Ce temps m’a permis de remettre mon pull, boire de l’eau et formuler oralement avec mon interlocutrice ce que je devais faire.

Elle avait donc écrit 1) aller à la boulangerie 2) rentrer à la maison (bus ou à pieds)

J’étais repartie.

L’étape 1 s’est bien passée. L’étape 2 a eu quelques surprises. A chaque fois que je sors, vu que ça me demande toute une organisation, j’ai toujours envie d’ajouter quelques libertés au gré de mes envies.

Donc, j’ai négocié avec moi-même et me suis accordée 1h d’errance. Finalement l heure s’est transformée en 2 mais après plein de papillonnages, quelques tangages, j’ai trouvé le livre que je voulais offrir à ma filleule.

Quand j’ai quitté le centre ville pour rentrer chez moi, j’aurais bien pris le bus, mais c’était sur le moment plus compliqué que de rentrer à pieds et puis j’avais envie de marcher. Mais cette dernière étape a été périlleuse et j’ai eu l’impression de franchir l’everest. Toutefois, à un moment d’obstacle (une flaque), j’ai réussi à formuler posément une demande à un passant pour qu’il m’aide à la franchir. Le chemin était trop étroit pour la franchir sans un bras…

Finalement, je suis rentrée, j’ai déjeuné et j’ai fait la sieste et j’ai abandonné la tâche « course de 7 ingrédients »

 

Récit « résumé » de J+ 23

J’avais donc décidé de prendre le bus à l’aller et au retour pour garder des points d’énergie.

Le temps de préparation a été long parce que je n’arrivais pas à décider si je pouvais petit-déjeuner ou non. Finalement, j’ai fait un compromis en petit-déjeunant à moitié. Je sors de chez moi (liberté !) et je commence à marcher vers l’arrêt que je connais. Finalement, je me dis, que j’explorerais bien un autre arrêt, je fais quelques aller retour étranges (je m’amuserai un jour à faire une cartographie de mes déplacements) et finalement, je m’arrête à un arrêt. Je vois que j’ai 20 minutes d’attente. J’hésite puis je me dis que c’est très bien pour préparer son arrivée. Je mets les pièces qu’il faut dans une poche et je papillonne dans mes pensées, de temps en temps, je me rappelle pourquoi j’attends.

Le bus arrive, je paie et remercie rapidement et m’installe avant même qu’il redémarre. Victoire !

5 minutes de pause d’observations en tout genre. Dans ma tête, j’imprime aussi la donnée du coût exact du trajet pour les prochaines fois. Je m’arrête au bon endroit. Là, je dépasse un peu tout le monde parce qu’il fallait que je me concentre fort sur la prochaine étape sans me laisser distraire.

Dans ma tête, je dis "désolée" au vieux monsieur que j’ai doublé.

J’essaie de ne pas trop regarder autour de moi et chaque fois que je ne peux m’en empêcher, je me rappelle où je vais et je me promets qu’après je pourrai laisser libre court à mes observations/déambulations.

J’arrive au labo (trop facile !), je bugue un minus peu au moment de avoir s’il faut s’asseoir ou aller vers la secrétaire, je réponds à son bonjour qui ne m’était en fait pas adresser, mais je me marre intérieurement en me disant que c’est pas grave. Elle m’appelle. J’y vais, je sors la prescription et le portefeuille pour la carte vitale. Là je mets du temps (beaucoup plus qu’en temps normal où je ne suis déjà pas un modèle de rapidité). Je lui dis avec le sourire que je suis un peu lente. Elle me dit « oh ! tout le monde a des problèmes cognitifs », je lui réponds « oui, mais j’ai mis 4h à arriver », elle comprend. Finalement, j’y arrive, j’attends un tout petit peu, le temps de me rappeler de la prochaine étape. Une infirmière m’appelle. Je lui dis gentiment que je suis lente et bizarre mais que je comprends tout. Et on a papoté chouettement pendant 5 minutes.

Je suis ressortie tranquille en connaissant ma prochaine étape : aller me poser dans un endroit tranquille pour petit-déjeuner et reprogrammer la suite.

J’ai chronométré une heure pour ne pas rester installée là toute la journée. J’ai tenté de programmer calmement, sans trop me perdre dans mes notes.

Celui qui m’a servi le café était sympa et voulait me parler de la Catalogne. Super chouette ! Bon, il parlait trop vite donc je n’ai pas imprimé la moitié mais là, je me dis « ce n’est pas grave », je souris et essaie de m’accrocher aux branches pour faire un ou deux commentaires cohérents. Je me dis que je retournerai dans cet endroit et j’ai plein d’idées.

Après, j’hésite de déjeuner là, mais ça commence à être difficile parce qu’il y avait de plus en plus de monde et donc de plus en plus de stimuli.

Finalement, je sors avec ma prochaine étape en tête, aller à l’arrêt de bus. Mais sur le chemin, je vois un magazin de pyjamas. Acheter un pyjama était sur une liste de chose à faire avant l’hôpital. J’avais laissé tomber cette tâche mais là, je me dis « allez, je peux quand même encore m’acheter un pyjama ». Avant d’entrer, je prépare 1 consigne claire dans ma tête, à savoir trouver un pyjama à 30 euros maximum. Je rentre, je ne capte rien parce qu’il y a trop de choses. Finalement, voyant que je commence à perdre mes forces, je m’adapte, et je demande à une vendeuse de m’aider. Je lui dis « bonjour, excusez moi, je suis très fatiguée, pouvez-vous m’aider à trouver un pyjama à moins de 30 euros et qui n’a pas l’air trop enfantin?" Elle est sympa et comprend vite qu’il faut qu’elle soit très pragmatique, que je ne pourrai pas essayer et qu’elle ne doit pas s’éparpiller. Ça avait bien débuté mais finalement, elle a dû passer à une autre tâche (le magasin était en haute activité) et me refile à une autre vendeuse. Ça se complique un peu mais finalement, le choix est fait et elle m’emmène payer. Plus de 50 euros ! Là, je dis "waw, c’est cher!" Elles avaient l’air un peu agacées et puis moi, je me suis dit « tant pis », c’était plus simple de payer et de repartir que de recommencer les étapes de choix.

En ressortant, j’essaie de canaliser mes pensées et de ne pas trop râler d’avoir dépensé trop d’argent pour un truc qui me fait qu’à moitié plaisir.

Je me dirige vers l’arrêt de bus. Là, il y a du monde qui bouge, ça me fatigue fort, j’ai froid et j’ai faim. Je regarde à plusieurs reprises le temps avant l’arrivée du bus : 18 minutes. J’hésite (1/ attendre debout, 2/ m’asseoir pour attendre 3/ marcher un peu pour me réchauffer). Finalement, un autre stimuli m’a aidé à décider : « j’ai faim » donc j’ai fait ce chemin (dans ma tête)

  1. J’ai faim
  2. J’ai 18 minutes d’attente
  3. Trouver une boulangerie pas trop loin pour m’acheter un pain au chocolat
  4. Go!

Je me mets en route, en évitant de me faire écraser, après de petits détours de recherche, je reprends une rue que je connais et où je sais qu’il y a une boulangerie. Mais sur la route, je croise un moyen supermarché. Là, j’hésite parce que je suis très fatiguée et je sais que les courses me font encore perdre des points d’énergie. Finalement je suis mes pas et arrivée à l’intérieur, je m’arrête et réfléchis fort à ce qu'il me faut. Après des efforts de concentration formidables, je ressors avec quelques ingrédients et des dragibus. Quand j’ai vu les bonbons, j’ai hésité puis je me suis dit « c’est cool pour l’hôpital » et comme je n’avais plus le temps d’aller à la boulangerie, je me suis dit que ça remplacerait le pain au chocolat. J'avais besoin de sucre.

Finalement, après quelques détours et erreurs (mauvais arrêt de bus), j’ai réussi à prendre le bon bus et à rentrer chez moi.

 

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